• Je vais aujourd'hui vous raconter l'histoire d'un patient qu'on connait tous en tant que rééducateur.

    Il était une fois l'histoire d'un Monsieur d'une cinquantaine d'année. Ce Monsieur a souvent un nom "pas d'ici", qui vient plutôt du Sud, du côté de Lisbonne, Madrid, ou Rome.  Quand on voit Monsieur pour la première fois, il a dans son regard une lueur d'espoir mais toute son attitude montre un profond découragement. Il faut dire que Monsieur a mal. Tout le temps. Dans toutes les positions. Monsieur a un mal de dos qui ne passe pas. Il a tout essayé, même l'opération chirurgicale, dans laquelle a fondé tous ses espoirs, comme un gamin attend la petite souris ou le père noel.

    Si Monsieur aterri dans mon centre de rééducation, c'est que l'opération n'a pas marché. Alors Monsieur est prêt à tout faire pour que ça aille mieux.

    Il répond volontiers à mes questions, intrigué qu'une "gamine" puisse l'aider dans quoi que ce soit. Je ne connais pas sa douleur après tout.

    Et là, le chemin de vie habituel se déroule sous mes yeux. Monsieur a commencé à travailler tôt, trop tôt. A partir de 9 ans ou 12 ans il était sur les chantiers dans son pays, à apprendre son futur métier. Il s'est marié, a eu un ou des enfants, puis a eu la possibilité de travailler ailleurs, là où la manoeuvre manque. Il a bossé d'arrache-pied, souvent au noir, a appris la langue sur le tas. D'ailleurs il s'excuse de son accent, de son vocabulaire pauvre, de sa grammaire bancale. J'aimerais bien parler sa langue natale comme il parle la mienne... Il a bossé pendant des années, qu'il pleuve qu'il neige qu'il vente, prenant pas ou peu de vacances, à tel point que quand il parle du Pays, on entend la majuscule. Et puis un jour ça a été l'Accident. La chute de l'échaffaudage, la charge trop lourde et ça a été le début du Mal. Un arrêt de travail,début de la prise de médicaments, deux arrêts... une opération, qui loupe, la dose des médicament augmente ... et finalement le contrat prend fin, ou l'entreprise licencie.

    Monsieur se retrouve à la maison. Il n'a rien à faire. Il tourne en rond, commence à déprimer. Déprime. Prend des médicaments. 

    Ce qu'il veut est simple. Ne plus avoir mal pour reprendre le travail. Au fond de lui il sait que c'est impossible, tout le monde lui a dit. Mais c'est la seule chose importante pour lui: se retrouver sur le chantier, à monter des murs, poser des carreaux de faience ou à installer des canalisations. C'est la seule chose qui existe.

    Quand on commence à aborder les questions concernant les sphères familiales et de loisirs, les réponses se font très rares. Monsieur n'a eu qu'un rôle chez lui: travailler dur pour ramener une paye afin que le ménage tourne. Maintenant qu'il ne travaille plus, il ne sert plus à rien. Comme la machine agricole qui reste au fond de la grange, ou le vieux cheval qu'on ne peut se résoudre à envoyer à l'abattoir. Il n'a pas de loisirs, à part regarder la télé. Il a bien sur des petits-enfants, qu'il adore. Mais avec ses mains il explique qu'il n'est pas doué avec les enfants, et qu'il ne sait pas comment leur montrer qu'il les aime.

    Alors patiemment on met en place un programme de traitement. Le premier point Monsieur comprend bien: traiter le problème, les troubles de la sensibilité, les fourmis qu'il a nuit et jour dans le pied. Le second le laisse perplexe: découvrir qu'il n'y a pas que le travail dans la vie. Doucement, on pose la première pierre d'une nouvelle vie. 

    Monsieur commence à peine à entrer en résonnance avec ce qu'on lui dit que c'est déjà fini, les trois semaines de prise en charge se sont écoulées. Bien entendu le travail se poursuit en ambulatoire, pour continuer à découvrir ces deux sphères de la famille et des loisirs.

    Mais j'ai à chaque fois un goût amer en bouche quand je prend en charge Monsieur. J'ai une forte impression de me retrouver dans "Les Ritals" de François Cavanna, ou dans "Germinal" de Zola. L'être humain est un manoeuvre, une fois qu'il ne fonctionne plus on le jette. Les gens viennent de loin, très loin pour travailler. Ils s'intègrent tant bien que mal, et une fois qu'ils ne produisent plus, ils se retrouvent complètement déracinés.

    Et on ne fait que ramasser les pots cassés. Pourtant , une prévention correctement faite permettrait de diminuer ces chronicisations, en faisant en sorte que les gens investissent différentes sphères; qu'ils existent par autre chose que le travail; en faisant de la prévention d'accident...

    Remarquez, j'ai appris il y a peu que de la prévention a été faite pour les maçons. Désormais, les sacs de ciment ne pèsent plus que 25kg, et non 50kg. Avant, un maçon prenait les sacs un par un; maintenant c'est deux par deux. Pour ne pas perdre la cadence.


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  • Bonjour!

    C'est officiel, je fais en sorte que mon blog soit lisible par plus de monde qu'il ne l'est actuellement. Cependant, ceci nécessite une mise au point importante.

    Mon blog est un blog de thérapeute, qui raconte entre autres choses des séances de rééducation. Il va sans dire que j'anonymise les contenus, ne citant aucun noms âge, ou ville. Nous sommes tous des patients potentiels, et il se peut que vous vous reconnaissiez, ou que vous reconnaissiez l'un de vos proches car les situations se ressemblent souvent. Si cela est le cas, merci de me contacter au plus vite afin que l'on fasse le point sur la situation, et que je modifie ou enlève l'article en question.

    Je vous souhaite la bienvenue dans mon monde!


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  •  A cette période de l'année, les paysages se peignent à l'encre de Chine. Les arbres noirs ressortent sur le ciel gris et le sol couvert de neige. Tous les détails sont présents. Un temps à s'enrouler dans  une couverture avec un bon bouquin...


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  • Aujourd'hui, j'ai été loyale avec moi même. Et ça fait drôle.

    Pour ne pas avoir dit à mon Adorable Chef que j'avais fait et réussi une formation avant de l'annoncer de manière officielle, elle m'a dit que ma loyauté pouvait être remise en doute.

    Mais qu'est ce que la loyauté? Le karaté nous dit d'être loyal. Pour moi la loyauté, c'est être fidèle à un engagement, comme un chevalier du temps jadis. Et voici ce qu'en dit Bob, né en 2012:
    "caractère loyal, fidélité à tenir ses engagements, à obéir aux règles de l'honneur et de la probité" (probité, "vertu qui consiste à observer scrupuleusement les règles de la morale sociale, les devoirs imposés par l'honnêteté et la justice.")

    Mon devoir est de prendre les patients en charge, de faire en sorte que j'ai une charge de travail aussi importante que mes collègues, de prodiguer la meilleure rééducation et la meilleure réadaptation qui existent pour reconstruire ces vies. Je me dois d'être loyale à mon équipe, d'être honnête envers le patient.

    J'ai beaucoup réfléchis pour savoir si mon honneteté et ma loyauté avaient été bafouées par mon attitude. Et j'affirme que non. C'était mon droit de ne pas annoncer ce que je faisais pendant les vacances, c'était mon droit de faire une ergothérapie différente mais acceptée dans le service si cela ne surcharge pas mes collègues.

    Mon éducation et ma culture m'ont toujours appris à être honnête et loyale envers les autres. Je me dois de dire la vérité. Aujourd'hui j'ai avoué avoir menti par ommission, sans raisons particulières. Ce mensonge n'a pas destabilisé l'équipe, il a destabilisé mon Adorable Chef. Mais j'affirme que je ne dois pas être loyale à mon Adorable Chef. Je me dois d'être loyale envers moi-même, et ensuite envers mon équipe.

    Qu'en pensez-vous? Qu'est ce que la loyauté pour vous?




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  • Une envie de partir, loin, de tout laisser derrière soi, de vivre loin des tracas quotidiens... Et une musique qui trotte en tête...

     


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